"Aux quatre coins d'Paris qu’on va l’retrouver éparpillé par petits bouts, façon puzzle" aboyait Bernard Blier, alias Raoul Volfoni dans les immortels "Tontons flingueurs".
Pas besoin de le croiser pour ressentir cette étrange et déstabilisante sensation qu'il nous manque quelque chose, ou que quelque chose n'est pas à sa place dans notre vie. Et dans la période de confinement que nous traversons, se retrouver face à nous-même sans possibilité de s'évader dans nos divertissements habituels peut accentuer ce phénomène.
Nous cherchons habituellement à nous remplir de choses extérieures, tant il semble angoissant de nous retrouver seuls, face à nous-même, alors que le trésor est pourtant là, bien caché en nous. Mais nous rechignons à creuser au bon endroit.
Jamais peut-être cette pensée de Blaise Pascal n'a été d'une plus brûlante pertinence :
"Tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre."
Peut-être pourrions-nous nous arrêter quelques instants et nous poser cette simple
question : "Où suis-je?"
Où suis-je dans mon corps? en le parcourant méthodiquement à l'écoute des sensations physiques.
Où suis-je dans mon cœur? est-il possible d'aller à la rencontre des émotions, de les reconnaître et de leur faire de la place, même si elles sont fortes, même si elles sont difficiles?
Où suis-je dans mon cerveau? quelles pensées le traversent à cet instant? Concernent-elles ce que je vis maintenant? Ou bien de la nostalgie ou des ruminations du passé? Ou encore des inquiétudes à propos de l'avenir? Pourrais-je simplement observer le flot des pensées sans m'y immerger, même s'il est tumultueux, même s'il charrie des choses angoissantes ou agressives, violentes, peut-être. Laisser couler, laisser partir ceci sans s'accrocher ni résister?
Suis-je confus, désuni, fragmenté, bref "éparpillé façon puzzle"? Si oui, serait-il possible de rassembler ce qui est épars? Simplement comme ceci, en m'arrêtant lorsque je ressens une sensation de malaise avec cette simple question "Où suis-je?"
Quelques minutes pour faire le point. Quelques minutes pour aller à la rencontre de moi-même et me retrouver : "Enchanté!" ou "Ah ça faisait longtemps!" avec curiosité, gentillesse, convivialité, me relier à moi-même dans ce moment, tel que je suis, sans jugement.
Et réaliser que je ne suis pas seul à affronter cette épreuve. Que cet inconfort n'est ni une défaillance, ni un défaut chez moi, mais quelque chose d'humain, que nous sommes nombreux à partager : l'angoisse face à cette pandémie, le manque d'interactions sociales autres que virtuelles, le confinement. Se dire "C'est normal, c'est juste humain, je ne suis pas seul(e)".
Peut-être alors sentir les larmes monter. Les laisser alors couler avec gratitude, car selon la très belle formule de Martin Aylward dans son enseignement en ligne ce matin même :
"Les larmes sont la lubrification du cœur qui s'ouvre".
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