Voir, et non pas regarder.
Lors du programme MBSR, nous sommes, surtout au début, invités à laisser nos yeux doucement se fermer quand nous entamons une méditation assise.
La raison est simple : le sens de la vue est une fonction complexe, impliquant un appareil optique sophistiqué (l'œil et tout son environnement musculaire) et une unité de traitement de l'information encore plus complexe (le cerveau) avec entre les deux un câble de connexion (le nerf optique).
Un énorme quantité d'informations arrive sur la surface sensible de l'œil (la rétine, notre "capteur"). Dans une formation sur le stress que j'avais suivie avec Moira Mikolajczak, PhD, j'avais été frappé par les chiffres suivants, qui ramènent le débit d'informations de la vision à un débit informatique exprimé en bits par seconde :
Quantité d’informations arrivant sur la rétine : 10 milliards de bits/sec.
Quantité d’informations quittant la rétine : 6 millions de bits/sec.
Quantité d’informations arrivant au cortex visuel : 10 000 bits/sec.
Quantité d’informations disponible à la conscience : 100 bits/sec.
Une impressionnante réduction d'informations entre notre œil et notre conscience !
C'est qu'entre l'image qui se forme sur la rétine et la conscience, un gigantesque tri se fait d'abord, puis le cerveau traite ce qui reste en consultant l'énorme base de données des choses connues à des fins d'identification (qu'est-ce que je vois?)
Tout ce processus complexe est coûteux en énergie et en temps. De plus, notre odorat et notre ouïe n'étant pas des plus fins par rapport à certains animaux, nous nous basons essentiellement sur la vue pour appréhender notre environnement. Aussi est-elle un sens propice à détourner rapidement et fréquemment notre attention. C'est pourquoi nous diminuons ce risque en fermant les yeux en méditation.
Pour autant, la pleine conscience implique de ne rien rejeter. Il va donc bien falloir inclure la vision dans nos méditations. Comment faire?
Il s'agit de voir, de rester au maximum dans la perception et de ne pas regarder, c'est à dire interpréter, nommer.
Percevoir les formes
Percevoir les variations d'intensité lumineuse
Percevoir les couleurs
Percevoir les mouvements
Le tout, instant après instant. Simple dans le principe, mais concrètement?
Pour commencer, je vous propose de simplement voir votre main.
Comme si vous ne l'aviez jamais vue de votre vie, levez une main devant les yeux. Voyez là comme si c'était quelque chose de complètement inconnu que vous découvrez. Percevez les formes, les reliefs, les couleurs. En la tournant doucement, percevez les mouvements et notez comme les zones de lumière et d'ombre changent, et donc les couleurs. Essayez de ne pas nommer quoi que ce soit. Approchez cette chose des yeux pour mieux voir les détails, des détails que peut-être vous découvrez pour la première fois, avec, comme le dit si bien l'expression, "un œil neuf".
Sans doute éprouverez-vous quelques difficultés à ne pas nommer, conceptualiser, reconnaître paume, doigts, phalanges et le reste. C'est en effet là toute la difficulté de l'exercice : rester le plus pur possible dans la perception sans partir dans le mental qui classe, sépare, interprète.
C'est cependant judicieux pour rester dans l'expérience du moment, la partie cérébrale de la vision tentant de reconnaître, de se référer à tout ce que nous avons déjà vu, ce qui est "connu", nous éloignant ainsi de l'ici et maintenant.
N'insistez pas trop longtemps, mais refaites régulièrement cet exercice. Plus tard, vous pourrez le tenter en extérieur, d'abord immobile devant un paysage, qu'il soit naturel ou urbain, puis en marchant comme d'habitude. Peut-être réaliserez-vous alors qu'avec un peu de pratique, votre vision est plus large, plus inclusive. Peut-être cela vous permettra-t-il de voir des détails qui vous auraient auparavant échappé : un oiseau, une bestiole, un personnage pittoresque... En un mot, peut-être aurez-vous gagné en présence grâce à cette vision plus ouverte.
Et si vous êtes curieux d'en savoir plus sur l'œil et la vision, voici une vidéo sur le site du réseau Canopé qui résume tout en quatre minutes :
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