Nous y voilà.
Depuis longtemps déjà ce post mûrissait en moi. Pour de nombreuses raisons, je ne me sentais pas encore l'élan de le publier.
Le reconfinement en est le déclencheur.
Je serai clair : n'attendez pas de moi l'expression d'opinions à propos de cette décision ni de la gestion de cette crise. Je n'ai ni les compétences, ni la légitimité pour le faire.
J'ai trop vu circuler sur les réseaux sociaux d'opinions tranchées de la part de personnes qui ne font pas partie du corps médical ni du personnel soignant mais n'hésitent pourtant pas à prendre telle ou telle position, recommander telle ou telle conduite. Je ne suis pas à l'aise avec l'art de disserter avec assurance de ce que je ne connais pas.
En effet, je ressens que ma position d'instructeur MBSR doit me rendre encore plus prudent, encore plus humble car cette appellation "instructeur" pourrait rimer à mon corps défendant avec "prescripteur". Or, le premier principe de l'éthique d'un instructeur MBSR est: "avant tout, ne pas nuire". Que ce soit par ses actions ou ses paroles, qui doivent rester mesurées.
Cette mise au point étant faite, la pleine conscience peut-elle nous aider à traverser cette crise, et si oui, comment?
Le virus aura donc dominé toute l'années 2020, avec son cortège de drames, de lutte héroïque dans le milieu médical, de théories et de déclarations, tandis que les scientifiques font tout pour mieux connaître SARS- CoV-2 et trouver traitements et vaccin.
Il me semble que deux facteurs dominent nettement cette crise, facteurs sur lesquels la pleine conscience peut avoir des effets bénéfiques.
Le premier est la confusion.
Entre remise en cause des chiffres de la pandémie, des politiques mises en œuvre pour la juguler, théories complotistes, quand ce n'est pas la remise en cause de l'existence même du virus, tout ou presque a été dit. Il en résulte un maelström d'émotions fortes qui peuvent de temps en temps nous emporter et nous submerger. Le premier confinement, avec son isolation physique, pouvait déjà être un facteur aggravant. Il va sans dire que le reconfinement peut l'être encore plus, après avoir eu l'espoir d'un retour à une vie sinon normale, du moins plus proche de la normale.
Que croire? Qui croire? Où en suis-je? Que vais-je faire? Que vais-je devenir? Que va devenir ma famille, que vont devenir mes amis? Voici quelques questions qui peuvent alors se mettre à tourner d'une manière particulièrement angoissante, d'autant plus qu'elle peuvent devenir obsessionnelles (ruminations).
Que peut alors la pleine conscience?
Tout d'abord, le non-jugement peut nous aider à ne pas ajouter à cette angoisse la "sauce piquante" de l'auto-jugement qui nous susurrerait que quelque chose ne va pas chez nous, que nous exagérons, que nous "n'assurons pas". D'une part, c'est là, donc inutile de le nier ou de le repousser. D'autre part, c'est simplement humain et nous ne sommes pas seuls à éprouver cette angoisse.
Les méthodes STOP (Stop, Take a breath, Observe, Proceed) ou RAIN (Reconnaître, Accepter, Investiguer, Ne pas prendre personnellement) peuvent alors nous aider à desserrer l'étreinte, de même que la pause d'auto-compassion du cycle MSC (Mindful Self Compassion).
Le second facteur résulte de la nature même de cette crise, à savoir la lutte contre un virus encore largement méconnu, et ce en dépit du travail acharné des scientifiques du monde entier.
Or, nous sommes généralement mal à l'aise avec le fait de ne pas savoir.
Depuis que nous sommes enfants, ne pas savoir est un indice de faiblesse : tu n'as pas appris ta leçon, tu n'es pas bon, pas assez ceci ou trop cela. Ce phénomène subsiste à l'âge adulte, surtout à l'heure actuelle où la circulation à haute vitesse de l'information (ou de la désinformation!) via les chaînes d'infos en continu et Internet peut nous donner l'illusion que nous pouvons tout savoir. D'où peut-être la tendance à vouloir parler de ce que nous ne connaissons pas évoquée plus haut, d'ailleurs. En un mot, ne pas savoir peut s'assimiler à ne pas être digne.
La pleine conscience nous apprend pourtant qu'il n'y a aucune honte à ne pas savoir.
Savoir, ou pire croire que l'on sait, peut même nous faire perdre contact avec la réalité du moment au profit des préjugés qui accompagnent ce savoir, qui n'est pas forcément la connaissance authentique, pleinement intégrée.
Accepter de ne pas savoir, c'est entrer en contact sans préjugé ni angoisse avec l'inconnu.
Je ne dis pas que c'est facile. Je dis qu'il arrive, et assez souvent, que nous n'ayons pas le choix. Dans ce cas, l'absence de jugement (je ne sais pas, donc je suis mauvais) évite d'ajouter à l'inconfort objectif de la situation le poison de l'auto-critique. Là encore, respirer, constater la chose et l'accepter peut nous éviter la saisie par l'angoisse et l'auto-jugement.
En guise d'illustration, voici comment j'applique cela à la situation sanitaire. Encore une fois, je ne dis pas que c'est LA bonne méthode, c'est simplement la mienne et elle me convient. Ce n'est qu'un exemple, à vous de mettre au point la vôtre en fonction de votre sensibilité.
Tout d'abord, j'essaye de sentir quand j'ai assez d'informations sur un sujet donné. La multiplication des sites d'information en continu peut aboutir à un excès de messages angoissants qui se recopient les uns les autres à partir d'une source commune, comme l'AFP en France. Je fais confiance à mon intuition pour déterminer quand il me semble avoir assez d’informations en évitant les redites et en arrêtant la collecte au moindre signe d'angoisse.
Ensuite, je multiplie les sources. Cela peut paraître contradictoire avec ce qui précède, mais pas tout à fait. Par multiplication des sources, j'entend par exemple: des media étrangers, des media scientifiques. Je tente ainsi de recouper les informations nationales et de me tenir au courant des dernières connaissances sur le virus.
Je prête peu attention aux positions très tranchées ou polémiques. Je note leur existence, je reconnais qu'elles peuvent servir d'exutoire, de "soupape de sûreté" à l'angoisse et je ressens de la compassion pour celles et ceux qui les défendent bec et ongles, au mépris parfois des faits et des analyses qui démontent les fake news. Et du reste, j'ai toujours en réserve un ou deux sites d'analyse (comme Hoaxbuster) que j'utilise au moindre doute.
C'est à partir de cela que j'évalue la situation, n'hésitant pas à prendre des notes, notamment sur les dernières avancées scientifiques et médicales. Et j'évite par dessus tout de faire part de ma position, même si parfois j'ai vraiment très envie de réagir à ce qu'il m'arrive de lire en commentaires d'un site d'information ou sur les réseaux sociaux. Je m'impose ce "devoir de réserve" car je ne suis ni médecin ni infectiologue. Et quand bien même je le serais, j'ai vu des "querelles d'experts" assez virulentes, et pour ce motif affolantes sur les plateaux TV entre médecins pour ne pas me croire obligé d'ajouter un grain de sel qui n'aurait d'autre utilité que de satisfaire fugitivement mon égo.
Je mettrai prochainement en ligne le planning des sessions via Zoom remplaçant les sessions classiques, qui sont évidemment annulées.
Chaque séance ménagera aussi la place à l'expression de vos ressentis par rapport à cette période particulière, si vous en sentez le besoin. L'expérience des derniers mois montre que si cela ne remplace pas tout à fait la pratique en présentiel, la pratique en ligne permet tout de même l'établissement et la circulation d'une énergie de groupe très réconfortante.
A toutes et tous, je dis à bientôt et vous exprime l'expression de tout mon soutien.
A très bientôt. Prenez bien soin de vous!
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