"Je ne sais qu'une chose, c'est que je ne sais rien."
(Socrate)
Ne pas savoir...
Il y a souvent un inconfort à admettre que nous ne savons pas.
Il y a les petites ignorances du quotidien qui nous poursuivent depuis notre enfance parce que nous nous nous sentons jugés pour cela : ne pas savoir sa leçon, puis plus tard ne pas avoir l'information au bon moment, ou ne pas savoir faire. Toutes choses où nous nous sentons remis en question dans nos compétences, nos capacités à répondre à ce qui est attendu de nous. Cela peut même prendre des formes assez puériles, comme lorsque nous préférons acquiescer d'un air entendu à ce qui se dit, ou même soutenir avec assurance une position sur un sujet que nous ne connaissons pas plutôt que d'admettre, tout simplement, que nous ne savons pas. Comme si ne pas savoir était une tare, une défaillance impardonnable.
Plus profondément, derrière tous ces petits "je ne sais pas" se cachent des questions plus essentielles qui ont toujours agité l'Humanité, et en particulier celle de savoir avec un degré raisonnable de probabilité où nous allons. Que ce soit par les antiques procédés de divination ou par la Science, c'est finalement cela qui nous intéresse, car cela répond à un besoin fondamental de sécurité.
La pandémie nous a remis sans ménagement face à cela. Dans un mode moderne où nous nous pensions protégés par la Science des pestes noires du moyen-âge, nous avons été brutalement ramenés à notre ignorance et forcés à l'humilité. Depuis maintenant deux ans, nous ne sommes toujours pas venus à bout du Coronavirus, en dépit de l'implication des chercheurs du monde entier, du dévouement du personnel soignant et des précautions que nous prenons quotidiennement. Et alors que nous nous apprêtons à passer un deuxième Noël dans ces conditions, force est de reconnaître que nous ne savons pas.
Pourtant, même les scientifiques reconnaissent que pour une réponse à une question, il s'en pose dix, cent nouvelles. Ce qu'exprimait ainsi l'un des plus grands d'entre eux :
"Nous puisons l'eau de l'océan avec une coquille"
(Isaac Newton)
Je n'ai pas l'habitude de convoquer la physique quantique dans mes propos. C'est le domaine de l'infiniment petit , où le comportement des particules est si contraire à ce que nous observons à notre échelle que ça en paraît au choix magique ou farfelu, ce qui permet de soutenir à peu près n'importe quelle position sans ... savoir ;-)
Pourtant, l'un des principes fondamentaux de la physique quantique nous apprend que l'incertitude, ou plus précisément l'indétermination, est au cœur même de la matière. Werner Heinsenberg, prix Nobel de physique 1933, nous dit en effet que : “Plus on connaît avec précision la position d'une particule, moins on connaît sa vitesse, et vice versa.”
Ce n'est pas une question de précision des instruments de mesures ou d'habileté de l'opérateur, c'est un principe, donc quelque chose d'inhérent à la réalité.
Suite à l'énoncé d'Heisenberg, Albert Einstein disait pour sa part que c'était comme si le sol se dérobait sous nos pieds sans aucun point solide pour construire des fondations.
En clair, nous revenons à la citation liminaire de Socrate : nous savons que nous ne savons pas!
Nous n'avons donc pas le choix. Ne pas savoir n'est pas une défaillance, c'est une condition même pas humaine, mais universelle.
Oui, c'est parfois inconfortable. Oui, cela ne nous empêche pas, et ne doit pas nous empêcher de chercher à savoir. Ce qu'on découvrira nous aidera toujours à nous sentir mieux. Pour autant, il faut s'y faire : il y aura toujours quelque chose que nous ne savons pas, refuser cela serait illusoire et nous ferait dépenser de l'énergie en pure perte tout en nourrissant nos angoisses. L'accepter est un art, l'art d'accueillir ce qui vient au moment où cela vient, comme un surfeur sur la vague.
Il y a sans doute bien des manières de surfer sur la vague de l'Inconnu. Pour ma part, vous vous doutez que c'est la méditation et l'attitude d'acceptation sans jugement de ce qui survient instant après instant qui m'y aide. Je ne sais pas? Et alors?
Je ne sais pas si et quand nous sortirons de cette pandémie.
Je ne sais pas si j'en sortirai indemne, même si je suis vacciné.
Je ne sais pas si j'ai raison de l'avoir fait, j'ai simplement écouté mon intuition et décidé de faire confiance à la Science dans une proportion qui me semblait raisonnable.
Je ne sais rien de tout ça, non, mais je sais une chose, c'est que je vous souhaite en dépit des incertitudes de passer d'excellentes fêtes de fin d'année, et si je peux y contribuer ne serait-ce qu'un peu par mes propos, alors j'en serais heureux.
A très bientôt, en pleine conscience bien sûr.
Comments